Rythmer sa narration : une question de style (3/3)
- Coline Perrone
- 15 mars 2024
- 4 min de lecture

Bienvenue pour ce troisième et dernier article sur le thème de la narration. Écrire un roman, c'est un peu comme écrire une chanson. Sauf qu'au lieu d'alterner entre refrains et couplets, on alterne entre descriptions, dialogues et actions. Et dans ce cas, mieux vaut-il privilégier une construction classique ou plutôt s'engager sur le chemin de l'originalité ?
Commençons par les bases
Prenons le temps de préciser ce que l'on entend par description, dialogue ou action. Comment les reconnait-on ? Quelles sont leurs principales caractéristiques ?
La description
C'est sûrement la première chose que l'on apprend lors d'une rédaction. La description sert à présenter une scène, un lieu, un personnage ou même un univers. C'est une pause dans le récit pour aider le lecteur à se figurer une situation. Elle peut être volontairement vague afin de laisser le lecteur se faire sa propre image (exemple : les personnages dans les Accords corrompus de Kelly St Clare) ou extrêmement détaillée (exemple : Le Seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien).
Dans une narration au présent, elle se fait au... Présent. Bravo, vous suivez ! Et au passé, elle se fait généralement à l'imparfait. Pour en savoir plus, je vous invite à lire le premier article sur les temps de la narration.
L'action
Les fameuses scènes d'action ! On a tendance à les voir essentiellement comme des scènes de bagarre et de course-poursuite (merci les films hollywoodiens) alors que pas du tout. Une scène de sexe est une scène d'action, une découverte archéologique est une scène d'action, un cours de danse ou de magie est une scène d'action. Même les dialogues sont parfois considérés comme de l'action. En fait, quand le récit avance, même en dehors d'une péripétie, c'est considéré comme de l'action.
Les scènes d'action sont principalement écrites au temps du récit : soit au présent, soit au passé simple. Elles ponctuent l'intrigue pour amener à sa conclusion.
Les dialogues
Les dialogues représentent les interactions orales entre les personnages. Ils peuvent avoir différents rôles :
faire avancer l'intrigue : comme un enquêteur qui interroge un témoin
comprendre les relations entre les personnages : si deux personnages se chamaillent c'est qu'ils partagent un certain niveau de connivence ou d'intimité
caractériser un personnage : par le dialogue, on peut connaître le caractère d'un personnage, son origine sociale ou géographique ou son état d'esprit
Bref, le dialogue peut prendre le pas sur la description ou l'action pour mettre en avant une scène en particulier. À l'inverse, le silence peut en dire long sur le caractère d'un personnage ou l'ambiance d'une scène. On pourrait en dire beaucoup sur chacun de ces passionnants sujets, mais ce n'est pas le but de cet article. Nous y reviendrons un autre jour.
Avec tout ça, comment je rythme mon récit maintenant ?
Avec style ! Et oui, le rythme dépend du style et du goût de chaque auteur. Certains ont tendance à se focaliser sur les longues descriptions. Le rythme est alors plus lent, mais le lecteur sera totalement immergé dans l'univers de l'auteur. Personnellement, j'ai tendance à associer ce style à la musique classique ou à de grandes ballades rock. Le morceau est long, les notes sont foisonnantes et on s'immerge complètement dans la mélodie.
Si vous privilégiez le dialogue, c'est que les échanges sont captivants, s'enchaînent avec aisance. Vous êtes dans ce cas un maître des punchlines et vous connaissez les différents types de langage sur le bout des doigts. Les auteurs de pièces de théâtre excellent dans ce domaine, évidemment.
D'autres auteurs sont adeptes des descriptions courtes, mais d'un rythme rapide. L'action s'enchaîne en permanence, les personnages n'ont que peu de temps pour se poser. Il n'y a jamais vraiment de scène d'exposition, même dans l'incipit (les premiers chapitres). Honnêtement, ce n'est pas mon style préféré, car j'aime bien prendre le temps d'apprécier une scène quand elle est bien faite.
Ensuite, il y a une grande pluralité d'auteurs qui optent pour un compromis entre ces scènes afin de proposer un rythme non pas monotone mais immersif. Le rythme peut également aller crescendo d'un chapitre à l'autre, voire d'un livre à l'autre dans le cas d'une série. En effet, on expose l'intrigue ou l'univers au début, puis on se plonge peu à peu dans l'action et les péripéties par la suite. Cela fonctionne aussi bien pour des livres d'aventure que de romance.
Et c'est là où le genre de votre roman entre en scène également. Car l'on ne va pas rythmer de la même façon une romance, que de la fantasy épique ou un roman historique. Dans le dernier cas, c'est l'Histoire avec un grand H qui va dicter le rythme auquel on est obligé de se conforter. Le rythme d'une romance va au contraire accélérer de page en page, au fur et à mesure que les protagonistes vont voir leurs sentiments se développer.
Il n'y a donc pas de recette miracle pour rythmer son roman. C'est à vous de choisir le rythme qui vous correspond le mieux, mais qui correspond aussi le mieux à votre histoire. Souvent, l'auteur a une idée bien arrêtée sur la manière dont il veut écrire son roman, mais il se retrouve pris par l'intrigue et le rythme de sa propre histoire. Dans ce cas, il ne faut pas aller contre et se laisser porter les mots. Comme le compositeur se laisse emporter par ses notes ou le peintre par ses couleurs. N'oubliez pas, en tant qu'auteur, vous êtes un artiste avant tout !